Ourika, de Gorée au pays des Lumières
Spectacle théâtral et chorégraphique et marionnettes à taille humaine
Coproduction MDP de Pierre-Bénite
avec l’aide du Ministère de la Culture, de l’ACSE Rhône-Alpes et de la Ville-de-Lyon
Avec Jean-Marie Belmont, Anouk Mialaret, Marie-Angèle Moreno et Raymonde Palcy Metteur en scène Claude Défard
Conseil Aude Pellizzoni et Jocelyne Durand Son Eric Dupré.
Scénographie et Lumière Hervé Fogeron. Costumes Marylène Richard.
Chorégraphie Anouk Mialaret et Jean-Marie Belmont.
Marionnettes Jocelyne Durand et Marie-Angèle Moreno
Mise à jour 30 08 22
L'Histoire d'Ourika
L’histoire part d’un fait avéré : en 1786, le Chevalier de Boufflers, gouverneur du Sénégal, offre à sa tante la Maréchale de Beauvau une petite esclave sénégalaise de deux ans. Elle s’appelle Ourika, « elle est jolie comme la nuit ». La Princesse l’éduque comme sa fille. Elle la fait accéder à tous les talents d’une jeune fille de la haute aristocratie du temps : peinture, langues étrangères , littérature, danse, vie des salons. Un véritable conte de fée… Mais à l’adolescence, Ourika se rend compte que, Noire, elle reste socialement intouchable, notamment en matière de mariage… et elle en meurt.
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La forme du spectacle
Ourika de Gorée au pays des Lumières est un spectacle « de tréteaux ».Loin de toute reconstitution. Quatre interprètes d’aujourd’hui choisissent de jouer les aventures d’Ourika et du Chevalier de Boufflers. De manière très revendiquée avec leurs moyens et leur vision actuels.La règle du jeu : quelques axes géométriques sur le plateau, un nombre limité d’accessoires. On n’oublie jamais que c’est en 2010 que nous rencontrons l' esclave et le gouverneur.
La chorégraphie est historiquement hybride, métissée : c’est une « fusion » 1787 – 2010 ! La marionnette à taille humaine amène une autre vision distanciée et le dédoublement de certains protagonistes ( jeu en miroir comédien / marionnette). Les interprètes jouent successivement tous les personnages. Sans réalisme. Dans une distance qui suscite le questionnement.
Les sources de nos recherches
* « Ourika » de Madame de Duras
Vingt ans après les faits, Claire de Duras raconte l’histoire d’Ourika dans un roman qui, traduit en plusieurs langues, émeut la société cultivée européenne ( Goethe en a pleuré)… mais irrite les colons des Antilles
* Les correspondances du Chevalier de Boufflers
Monsieur de Boufflers écrit tous les jours à sa bien aimée Madame de Sabran. Sous le badinage amoureux, il donne des nouvelles politiques et économiques de l’Etablissement français du Sénégal, et de sa vie quotidienne ( y compris les cadeaux de « négrillonnes » et autres « petits maures » qu’il destine à ses amis)..
* La lettre de mission de Louis XVI à son gouverneur
Le roi charge un aristocrate de développer la traite des Noirs, le commerce de la gomme et de l’or, de passer des traités avec les souverains locaux et de développer les comptoirs de la Couronne
* Traités de danse du XVIII° siècle
Dans cette société de salons, tout le monde danse…et peut répéter plusieurs semaines un ballet pour une fête, comme des professionnels aujourd’hui. D’où la présence de la danse dans notre spectacle… Image d’une société qui danse sur le volcan.
et aussi : Madame de Beauvau ; le Chevalier de Bonnard ; Charles Brifaut ; Luís Cadamosto ; Moreau de Chambonneau ; Madame de Chastenay ; Astolphe de Custine ; Madame du Deffand ; Victor Hugo ; Madame de La Tour du Pin ; Louis XVI ; Gaspard Théodore Mollien ; Joseph Mosneron ; Grimod de la Reynière ; Madame de Sabran ; Madame de Staël ; Jean-Jacques Rousseau, Voltaire
Mise en perspective historique
L’esclavage et la traite
Notre choix de textes balaie l’esclavage triomphant et sûr de lui, puis sa très graduelle et timide mise en cause. On passe de l’Ancien Régime à la Révolution, puis à la Restauration. La première abolition de l’esclavage échoue. Saint-Domingue se soulève.
Le statut de la personne, de la femme et de l’enfant
En ce siècle des philosophes, le statut de la personne humaine, et notamment de l’enfant, à plus forte raison de la fille, est des plus précaires.. De Boufflers peut en toute bonne conscience offrir « une perruche pour la Reine, un cheval pour le Maréchal, une petite négresse pour la Princesse. » Voici qui peut interroger en 2009, année de la célébration du cinquantième anniversaire des droits de l’enfant à l’ONU.
La colonie … avant la colonisation
Il n’y a pas encore à proprement parler de colonie, mais un « Établissement français », une suite assez nébuleuse de comptoirs et d’intérêts, appuyée sur des traités avec les souverains locaux. Le Sénégal, et Gorée, sont les têtes de pont des positions françaises des côtes d’Afrique. Il s’y est développé une société assez opulente autour de quelques envoyés du roi, et des signares, sorte de demi-mondaines métisses locales, qui ont elles-mêmes leurs esclaves.
Les « Lumières et leurs obscurités
Le destin d’Ourika se dessine sur fond de société des Lumières. De Boufflers lui-même est un encyclopédiste, sur bien des sujets très éclairés et novateur.
Tout bascule, tout se mélange. Des aristocrates louent Voltaire, profitent de la traite, s’enthousiasment parfois pour la Révolution naissante, puis s’exilent pendant la Terreur. Un navire négrier s’appelle « Le Contrat social », un autre « Le Jean-Jacques Rousseau » ! Dans les salons, on raconte l’ histoire d’Ourika, on commente le roman de Claire de Duras, on lit les lettres du Chevalier de Boufflers. On étudie les récits des voyageurs pour enrichir les quadrilles des quatre parties du Monde de danses africaines revues et corrigées.
A croire que le XVIII siècle aurait aussi inventé le double langage …
Les arts et lettres en pleine période de transition
La danse et la musique baroques touchent à leur fin, mais ce n’est pas encore le romantisme.
On continue à lire publiquement dans les salons les correspondances « privées »… écrites, il est vrai, pour être lues dans la bonne société… mais à partir de cette pratique, le roman moderne naît, avec Claire de Duras justement.
.une réflexion
Costumes, chorégraphie et univers évoquent l'époque plus qu'ils ne la reconstituent.. Notre propos est de réfléchir à ce que nous apprend l’histoire d’Ourika :
- sur le statut de l’enfant, et de la personne
- sur l’identité et sur l’émancipation,
- sur la longue histoire de l’esclavage et de la colonisation
- sur les contradictions idéologiques de la démocratie naissante au siècle des Lumières
Le recours à la danse et à la marionnette nous distancie de la situation décrite. Il autorise aussi une légèreté, voire une inconscience, qui est celle de ce XVIIIème siècle… et, peut-être, du nôtre.
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